Yann Valeani est le dessinateur de Rock & Stone sorti chez Delcourt ce mois-ci. Oncle Fumetti a souhaité le connaître mieux.
On vous connaît peu Yann Valeani. Présentez vous mieux. D'où venez vous ? Où allez vous ? Pourquoi ? Comment ?
J'ai quitté tôt les bancs de l'école pour travailler dans le graphisme. En fait, je travaillais déjà beaucoup mon dessin à l'école... en cours de math, surtout. Après quelques années dans la com' (je vous passe la floppée de petits boulots sans rapport avec le sujet qui nous intéresse), j'ai travaillé dans le dessin animé, d'abord comme layoutman (préparation de l'animation), puis comme character et mecha designer. C'est cette période dans le dessin animé qui a constitué ma véritable formation au dessin. J'ai ensuite rejoint un collectif d'auteurs, le Zarmatelier où j'ai travaillé sur les planches de Derm.
Pourquoi la BD ? Comment décide-t-on que l'on va vivre de ce métier ?
Je ne sais toujours pas exactement. Etrangement, c'est l'influence du dessin animé qui a peut être été le point de départ. Le dessin animé me fascinait : animer un dessin, le rendre vivant, c'est presque de la magie. Avant même les images de synthèse, partir de rien et rendre "vivant" quelque chose d'imaginaire, c'est vraiment quelque chose d'incroyable. Quand on crée un personnage, un monde, on veut bien entendu raconter- se raconter- son histoire. Mes dessins d'enfants racontaient très tôt une histoire sur une seule feuille. C'est peut-être vers 7-8 ans que ces histoires prennent réellement la forme de BD.
On vous connaît pour le projet Derm. Déjà de la SF. Il y a une raison particulière ou c'est le hasard ?
J'aime effectivement la SF, et le fantastique en général, pour ces mêmes raisons. Et avec la maturité, on réalise que ces mondes imaginaires, sont un reflet de notre monde, de nous mêmes: de comment on perçoit le monde, donc. Les choses évoluent pour moi ces dernières années. Si je garde l'envie de raconter des histoires fantastiques, je me sens également attiré pas des récits plus proche de ce que je vis. Je ne sais pas...Peut être qu'au début, si on peut créer tout ce qu'on veut, le premier reflexe est de créer ce qui n'existe pas: robots, vaisseaux, lutins, elfes,... et puis plus tard, revenir à des préoccupations, des questionnements encré dans le réel, en "prise directe". Les deux me semblent essentiels, ils s'enrichissent mutuellement, le réel et l'imaginaire. C'est ce qui m'a attiré dans l'histoire que m'a proposé Nico.
En 2005 et maintenant il y a un trou. Pourquoi ? Pas de projet intéressant ? Pas de publication Why, warum et pourquoi ?
Tout d'abord, l'arrêt de Derm à été un coup dur, il m'a fallu du temps pour le digérer et en tirer les leçons. Et puis, il a fallu trouver de toute urgence de quoi vivre. Je suis donc revenu à la com' pendant quelques temps. Cette expérience, un peu triste, m'a "fâché" avec le dessin réaliste et je suis revenu à mes premières amours: le cartoon. J'avais besoin de choses plus marrantes! J'ai quand même fait des histoires courtes avec Nico, et ensuite une série dans le magazine Geek. Il y a eu différents projets que nous avons envisagé, certains proposé à des éditeurs sans succès, jusqu'au jour où Nico est passé me voir avec cette idée qui a débouché sur Rock & Stone.
Alors !!! Parlez nous de la rencontre avec Nicolas Jean et Gaétan Georges. Comment cela s'est-il fait ?
Nico est venu prendre des cours de BD que j'animais au sein du Zarmatelier, mais ses histoires étaient déjà très abouties. Nous avons rapidement sympathisé, et nous avions de nombreuses références communes. Notamment les auteurs anglais, comme Alan Moore, Bolland, Gibbons... Et surtout un même intérêt pour un personnage: Judge Dredd! Nous avons proposé une histoire de Dredd à 2000AD, le magazine anglais ou il à été crée, mythique à nos yeux. Ils ont refusé cette histoire - parce qu'on ne confie pas Dredd à des debutants dans le magazine!- mais nous on proposé de leurs soumettre des histoires courtes. Nous avons donc publié deux histoires dans le magazine, et ça été le début de notre heureuse collaboration! Gaétan est arrivé plus tard. Rock & Stone était signé et nous cherchions activement un coloriste. Nous avons vu de très bons tests, mais pas encore celui qui semblait coller à l'histoire. C'est David Chauvel, notre directeur de collection qui nous as parlé de Gaétan, dont je connaissais un peu le travail, puisqu'il avait mis en couleurs Bad Ass, de Bruno Bessadi, un de mes amis du Zarmatelier. Je suis très heureux, très reconnaissant envers Gaétan de l'excellence de son travail, de ce qu'il a apporté à Rock & Stone, qui n'a d'égal que sa gentillesse et son écoute.
Pourquoi ce projet ? Parlez-nous de cette mini-série. Qu'est ce qui vous a plu ? Et pourquoi juste un diptyque ?
Tout d'abord, je ne le vois pas comme une mini série, mais comme une histoire complète, simplement séparée en deux tomes. Le dyptique s'est imposé parce qu'un one shot aurait été trop court, ou alors avec une pagination élevée, ce qui me semblait une charge de travail trop grande. Le dyptique en BD m'attire beaucoup, je trouve que c'est un format parfait. Mais c'est vrai que l'idée première de Nico était d'en faire une série pour un magazine. Seulement, quand vous savez parfaitement le début, le milieu, et la fin, vous commencez à voir l'histoire comme un tout, et le reste parait superflu. Pas de raison d'en rajouter. De mon côté, j'ai toujours vu Rock & Stone comme un road movie. Ca fait partie de ces choses qui m'ont tout de suite attiré quand Nico me l'a proposé. Il y a pleine de choses dans cette histoire. D'abord, c'est une BD classique, populaire. J'aime cette BD, fan que je suis de Charlier et Goscinny. C'est aussi de la SF, avec des robots, de l'action, et j'aime dessiner ce genre de trucs! Mais il y a aussi, au centre de l'histoire, de l'émotion, de l'humanité. C'est d'abord pour moi l'histoire de Stan apprenant à grandir, une réflexion sur l'humain et la technologie, et également de notre impact sur notre environnement, sur les gens qui nous entoure, et la responsabilité qui va avec. Les personnages ne sont pas monolithiques mais humains, avec leurs failles, leurs part d'ombre, ce qui rends, à mes yeux, les gens beaux. Enfin, j'ai tout suite vu quelque chose qui me fait penser à Myazaki : une histoire, bien qu'assez sombre, qui puisse toucher les enfants et les adultes, parce que ces deux thématiques sont au cœur du récit.
Comment travaillez vous ? Stakhanoviste forcené ou brillant dilettante ?
Plutôt dilettante, malheureusement! Mais avec le temps et les impératifs lié au métier, j'essai de me tourner vers un travail plus cadré, plus raisonné, plus constant.
Avec quels outils fonctionnez-vous ?
Crayon, criterium surtout, pour les crayonnés. Un encrage au pinceau, et avec de l'encre diluée pour les lavis pour placer les ombres. J'utilise aussi l'outil numérique, en amont avec la 3D ou pour préparer ma planche, et enfin pour finir et faire des corrections.
Quels sont vos modèles ? Que et qui lisez-vous ?
Mes modéles sont plutôt à chercher du côté de mes amis! Mais en lecture, je suis éclectique, et ça change tout le temps! Je viens de lire "Mon ami Dahmer" de Derf Backderf qui m'a vraiment impressionné. Mais je lis moins de bd depuis quelques temps. Je pense que c'est parce que quand vous avez une journée à en dessiner dans les pattes, en lire vous rappelle un peu le boulot! Je lis beaucoup de livres, j'en écoute aussi pas mal en audio livre en travaillant, de tous genres.
Vous devez emmener 5 BD sur une île déserte ? Alors lesquelles ?
Bone
V pour Vendetta
Watchmen
Calvin & Hobbs
Là où vont nos pères...
Et si t'es ok, j'embarque un bon stock de papier et de crayons pour m'en dessiner de nouvelles...
Bien sûr !!! vous pouvez prendre du papier et vos crayons. Hormis le tome 2 de Rock et Stone, c'est quoi votre futur artistique ?
Nous avons de nombreux projets avec Nico, dont une série que nous rêvons de réaliser depuis plusieurs années... Pour l'instant, rien de précis encore, et je suis ouvert également à d'autres collaborations qui pourraient se présenter. De mon côté, je me penche surtout sur l'écriture, pour de la BD, mais aussi depuis quelques temps, pour la réalisation de courts métrages, pour m'essayer à ce medium.
Très bonne idée. Merci Yann pour ces réponses. A bientôt avec Oncle Fumetti.