Bonjour Ambre, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Laurent Sautet, Bibliothécaire au département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France, et auteur de bande dessinée sous le pseudonyme Ambre depuis les années 1990.
Je crois savoir que vous êtes aussi peintre. Quel est votre support préféré entre la BD et des planches ou une toile ?
Non, je ne suis pas peintre. J’ai touché à la peinture et à la gravure, mais mon support principal est la bande dessinée, c’est-à-dire une forme d’expression éditoriale mêlant le texte et le graphisme (une littérature dessinée ?). Je suis très intéressé par l’image, mais aussi par le livre imprimé.
Pourquoi ce livre ? Pourquoi ce sujet ? Pourquoi ce co-auteur ?
David Vandermeulen est un ami de longue date, nous nous sommes rencontrés lors d’un festival en Suisse dans les années 1990 et avons d’emblée sympathisé. David a beaucoup de projets en cours, dont beaucoup qu’il n’a pas le temps de réaliser seul. C’est le cas de « La Passion des anabaptistes » et, donc, de cette adaptation du « Faust » de Goethe. Connaissant mon travail, il m’a proposé ces projets d’une façon tellement intelligente et alléchante que je ne pouvais pas dire non.
Le traitement est particulier. Comment décide-t-on de faire des planches dans le style de celles du livre ? C'est un parti pris esthétique personnel ou est-ce le fruit de la collaboration avec votre scénariste ?
C’est un parti-pris personnel, en partant du fait que David et l’éditeur voulait un livre en couleurs. Ils connaissaient tous les deux mes illustrations en couleurs, et me faisaient confiance sur ce point. C’est le premier livre en couleurs directes que j’aie pu faire. Ce fut terriblement compliqué : je ne savais pas comment aborder la couleur, quoi en faire. C’est en discutant avec un coloriste qu’une voie a pu se dégager pour moi. Je lui ai demandé comment, en tant que coloriste, il gérait cela sur des dizaines de pages. Il m’a dit que la couleur devait faire partie de la narration, et que la lumière devait être son principe premier. Merci à lui !
La deuxième chose compliquée a été d’insérer les textes. La troisième a été de scanner les planches d’une manière convenable.
Comment gère-t-on une création à deux ? Comment se gère la collaboration ? Y en- a-t-il un qui prend le leadership naturellement ?
Il n’y a pas d’ascendance de l’un sur l’autre. Je suis plutôt solitaire, travaille de mon côté et lui montre les planches une fois qu’elles sont finies. Nous ne discutions pas beaucoup du projet, mais nous faisions confiance mutuellement (je ne dis pas par-là que cette méthode est la meilleure, c’était la nôtre simplement).
Vous collaborez avec 6 Pieds sous Terre ? En quoi cet éditeur est particulier ? C'est un grand découvreur de talents. Comment se noue une telle relation ?
6 Pieds sous terre est mon éditeur depuis mon 1er livre. Je ne conçois pas d’être édité par quelqu’un d’autre. S’il disparaît, je crois que je n’aurai plus de livre édité.
Il s’agit d’une relation d’amitié et de respect mutuel. Je n’ai pas aimé tous ses livres, certaines périodes ont été très compliquées, mais, de tous les éditeurs indépendants de bande dessinée nés à la fin du xxe siècle, il est un de ceux qui sont resté les plus intègres. Et oui, c’est un découvreur de talents.
Comment travaillez-vous ? Êtes-vous plus crayon de bois ou Photoshop ? Quel est votre rythme de travail ?
Je travaille sur papier. Je suis très impressionné par les tablettes graphiques et la rapidité avec laquelle beaucoup de dessinateurs travaillent avec.
Mais je suis bien obligé de travailler sur un logiciel informatique lorsque j’assemble les planches ou que j’insère des textes.
Mon rythme de travail est très lent. Depuis la pandémie, il s’est encore ralenti.
Qui sont vos inspirateurs dans le milieu ?
Je suis un admirateur complet de notre Philippe Druillet national depuis très longtemps. Mais beaucoup d’auteurs de ma génération, mais aussi des générations après moi, m’ont beaucoup apporté ; je ne citerai pas tous les noms, cela serait artificiel et on en oublie toujours. Pour tout vous dire, je suis plutôt un lecteur littéraire.
Vous emmenez une BD et une seule sur une île déserte. Ce serait laquelle ?
Sans doute un livre de Druillet. « La Nuit » ? « Yragaël ou la fin des temps » ?, « Urm le fou » ?
Quels sont vos projets à court et à moyen termes ?
À court terme : un ensemble de petites histoires de science-fiction est un cours.
À moyen terme : plein de projets chimériques : une biographie de Faulkner, une adaptation du « Très-haut » de Maurice Blanchot, un faux journal intime en temps de guerre qui serait un mélange de plusiurs journaux intimes (Käthe Kollwitz, Maurice Garçon…), une adaptation phrase à phrase de « La Recherche » de Proust, de « L’Éthique de Spinoza », faire une bande dessinée d’idées et qui ne raconte rien…
Merci beaucoup pour vos réponses.
Crédit Photo : FIRN Frontignan