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31 janvier 2017 2 31 /01 /janvier /2017 07:35

Sophie Carquain a scénarisé la BD sortie en octobre sur Simone de Beauvoir chez Marabulles ;  Simone de Beauvoir une jeune fille qui dérange. Avec  Olivier Grojnowski au dessin. Elle répond aux questions d'Oncle Fumetti.

Bonjour Sophie Carquain. Présentez-vous. On vous connait pas assez. C’est le moment de soigner votre e-réputation. 

Journaliste depuis bientôt 30 ans, j’ai toujours écrit de la fiction parallèlement à mes papiers. Tout d’abord en littérature jeunesse, (Petites histoires pour devenir grand, ed. Albin Michel, Cent histoires du soir, ed. Marabout, et des romans anti-sexistes et même féministes aux éditions Talents Hauts (« Les lutines se mutinent », « les lutines au camping »…J’ai également co-écrit avec la psychologue Maryse Vaillant quatre livres, dont « Entre sœurs », «La répétition amoureuse » (sur les scénarii amoureux et les échecs à répétition), « Pardonner à ses enfants », et un essai de psychanalyse. Enfin, last but not least, j’ai publié ce premier scénario de BD et ai vraiment aimé l’écrire. C’est une école de la concision, et un beau jeu entre le texte et l’image. J’adore la littérature jeunesse car, quand elle est bien menée, elle permet d’aborder deux niveaux de lecture- lecture enfants, lecture adultes-. Je crois que ce que je recherche assidûment (est-ce parce que je suis du signe des Gémeaux ??) c’est ce fameux double niveau de lecture. Etre drôle et sérieux, être simple et plus complexe…S’adresser aux enfants et aux adultes. Je ne suis pas (évidemment) la seule à rechercher cet axe…Les grands dessins animés des Studios Pixar par ex s’adressent à la fois aux enfants et aux adultes (Voyez Zootopie- la critique mordante des Paresseux…..A mourir de rire !). 
Je vis à Paris, dans le 5ème arrondissement, près du Luxembourg où je cours tous les matins. J’ai trois enfants (entre 23 et 14 ans), un mari et un chat qui comme tous les chats se vautre sur mon clavier et m’empêche d’écrire…


Vous êtes une hyper active non ? 
Oui, comment avez-vous deviné ? J’ai vu une coach un jour qui m’a dit que j’étais surtout hyper créative (bon, ça semble prétentieux, mais c’est ce qu’elle m’a dit). C’est peut être névrotique : J’ai toujours besoin d’avoir trois projets en même temps. Du coup, je me promène avec un petit carnet pour y consigner toutes les idées qui me passent par la tête. Certaines donneront lieu à des histoires, d’autres non. 

Vous êtes journaliste au Figaro, écrivain et maintenant scénariste de BD. Vous voulez tout faire ou vous cherchez votre positionnement ? 
Je crois que l’écriture est universelle. Quand on aime écrire, on aime à la fois rédiger des articles- ce qui permet d’affûter son sens de la précision et de la concision- écrivain- pour libérer son imagination et travailler son style- et scénariste de BD- pour s’entraîner aux dialogues, aux petites « touches descriptives », à la mise en scène, au story-board. Chaque projet est une aventure et permet de nourrir l’écriture. Le fait d’avoir écrit mon premier scénario de BD m’a permis de peaufiner le sens des dialogues etc. Et- scoop- je publie le 2 mars mon premier roman de littérature adulte, « MANGER DANS TA MAIN » (Albin Michel), une histoire dans laquelle un petit cochon est l’un des héros principaux. En fait, j’aime bien me faire des surprises, essayer de VOIR AILLEURS SI J’Y SUIS. 

Parlez-nous de votre héroïne. Pourquoi ce sujet ? 
Ah, Simone de Beauvoir…Elle a été un guide spirituel et surtout féministe. C’est un personnage qui compte tellement- surtout pour tout ce qu’elle a apporté dans le mouvement des femmes- moins dans la littérature stricto sensu. Avant de proposer à Marabulles, je suis allée voir ce qui existait sur elle en BD. Je n’ai rien trouvé ! Une BD sur Sartre venait de sortir. Mais pas sur elle. Ce qui m’intéressait concernant Simone de B., c’est sa COLERE. Oui, ses élans coléreux, depuis toute petite, qui se sont transformés au fil des années en rébellion intellectuelle. La colère, tout comme les trois métamorphoses de l’esprit de Nietzsche (qu’elle a beaucoup lu) ont été mes deux fils rouges. Et aussi, bien sûr, les relations un peu violentes avec sa mère hyper autoritaire. Du coup, quand Hélène Gédouin, mon éditrice, (que je remercie mille fois) a proposé ce titre génial « Simone de Beauvoir, une jeune fille qui dérange », j’ai été aux anges. C’était tout à fait ça ! 


Pourquoi choisir le support du dessin et de la bande dessinée pour raconter la vie de ce personnage si particulier ? 
La BD permet vraiment de démocratiser le discours, et pour moi, c’était aussi une façon de m’adresser au plus grand nombre. Y compris aux adolescentes. On a pu me dire que la BD plaisait beaucoup aux ados, et j’en suis ravie. Là encore, « double niveau de lecture ». Plaire aux adultes et aux ados : l’idéal. Ce qui m’a plu également, c’est l’aspect historique, qu’il est passionnant de relater d’un point de vue graphique aussi : les immeubles, le décor parisien, les vêtements, les coupes de cheveux années 30, l’évolution de la société tout autant que du personnage. J’aime beaucoup la scène, à la Rotonde, où l’on voit les deux sœurs croiser Soutine, Modigliani, et les peintres de l’époque…


Comment se fait la collaboration avec un dessinateur. Transmettre une histoire par le dessin c'est particulier non ? 
Pas facile, parfois, la collaboration avec les dessinateurs. Dans ce cas, c’était assez simple : j’ai tout rédigé, donc découpé les scènes, travaillé case par case, indiqué la « voix off », et dialogues. Et proposé pour chaque chapitre une citation issue de l’œuvre de Beauvoir ou de René Char, de Nietzsche…Bref, des écrivains qu’elle aimait. Ensuite, j’ai transmis à Olivier Grojnowski, qui a dessiné. Et c’est là que ça se complique : il ne faut pas que le dessin et le texte se marchent dessus. Ensuite, j’ai regardé les dessins, et rectifié le tir (à la fois sur les dessins et sur les textes). Il m’est arrivé de pas mal couper, guidée par Hélène Gédouin. Et ça, c’est INDISPENSABLE. Pourquoi ? Parce que, en coupant, on laisse la place au lecteur. 
 

Simone de Beauvoir une jeune fille qui dérange chez Marabulles : L'interview de Sophie Carquain.

Comment travaillez- vous ? 
Pour la BD j’ai beaucoup relu Simone de Beauvoir et aussi sa biographe américaine, Deirdre Bair, qui a écrit un livre magnifique sur Simone. J’ai surligné les passages qui m’intéressaient et sur lesquels je souhaitais m’arrêter. Et ça…C’est très difficile car il faut faire des choix. Vous ne pouvez pas tout dire. Vous ne pouvez pas vous appesantir sur tous les moments de la vie de Simone. J’ai délibérément choisi de m’étendre sur deux pages sur la scène-violente- qui l’oppose à ses parents, mais j’ai raccourci certains passages aussi. J’essaie quand je le peux d’écrire surtout le matin. Et je n’attends pas une éventuelle « inspiration ». Non. On s’installe, on s’y met. Et l’inspiration vient après quelques phrases…


Quel est votre rythme de travail et combien de temps avez-vous consacré à cette œuvre ? 
J’écris beaucoup aussi pendant les vacances. Comme je dors peu, je peux consacrer pas mal d’heures à écrire. Il m’a fallu une bonne année mais en faisant bien d’autres choses aussi- j’ai sorti « Ma maîtresse est un dragon, 30 histoires pour aimer l’école » en septembre 2016 et Simone en octobre. 

Avez-vous des modèles dans le milieu, des créateurs qui vous inspirent ? 
J’ai des modèles plutôt en littérature qu’en BD à proprement parler, mais comme je l’ai dit, je ne fais pas d’opposition entre les secteurs. Ecrire des livres, c’est écrire de la littérature, de la BD, des articles bien rédigés…Certains écrivains m’inspirent. Au sens où : je lis trois quatre phrases et hop, j’ai envie d’écrire. Ce sont je pense des écrivains inspirés, qui deviennent inspirants. C’est contagieux. Des noms ? Haruki Murakami, Elena Ferante, Raymond Carver, Marguerite Duras. Des univers particuliers qui touchent à l’universel. 


Quels genres de BD lisez vous ?
J’ai adoré « l’Arabe du futur », je suis une inconditionnelle d’Astérix, Gotlib, Iznogoud. Je ne suis pas fan de Tintin (oui, je sais, c’est très politiquement incorrect) hormis « Les bijoux de la Castafiore », car dans la BD ce que j’aime d’abord c’est l’humour. J’ai découvert également une BD pleine de tendresse « Super Sourde », d’une auteure américaine, que j’ai adorée. Elle a des trouvailles géniales : lettres à demi effacées pour évoquer la surdité de l’héroïne. 

D'ailleurs si vous deviez emmener une seule BD sur une île déserte ? Laquelle et pourquoi. 
Golib, Rubrique à brac, bien évidemment. Pourquoi ? Parce que c’est Gotlib, pour son sens du décalage, pour la coccinelle, pour les faux cours de SVT…

Quels sont vos projets futurs ? 
J’ai en projet un recueil de contes jeunesse. 
Mais pour l’instant, j’attends avec impatience la sortie de mon roman chez Albin Michel « Manger dans ta main », une histoire de mère et fille, de petit cochon, d’animalité en nous…Là encore, un double niveau de lecture- écriture fluide grand public, mais beaucoup de thèmes de réflexion. Je vais me mettre à une seconde BD sur une autre héroïne qui m’est chère….Chut, je ne dirai rien ! 

Alors on attendra avec impatience. Merci Sophie Carquain pour vos réponses et à bientôt.

Simone de Beauvoir une jeune fille qui dérange chez Marabulles : L'interview de Sophie Carquain.
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