photo : planetebd.com
Gaétan Georges est le coloriste de Rock & Stone l'album nouvellement sorti chez Delcourt avec Nicolas Jean au scénario et Yann Valéani au dessin. Oncle Fumetti a souhaité le questionner. Voici ses réponses.
Bonjour Gaétan. Alors !!!! Même exercice que votre camarade Yann Valeani. On vous connaît peu. Présentez vous. Qui êtes vous ? Que faîtes-vous ?
Je m’appelle Gaétan Georges et j’ai 27 ans. J'ai quitté tard l'école car j'ai mis du temps à trouver ma voie... C'est donc en 2010, à la sortie d'études longues et un diplôme d'ingénieur en poche que j'ai décidé de me réorienter vers l’illustration et la bande dessinée. Je suis actuellement coloriste sur plusieurs albums édités en grande partie aux éditions Delcourt depuis un peu plus de trois ans.
Comment devient-on coloriste ? Qu'est-ce que le métier de coloriste et pourquoi en a-t-on besoin ?
Pour ma part, j’ai eu un apprentissage autodidacte en dessin et en peinture numérique, je me suis ensuite spécialisé dans la couleur par affinité et par facilité. J’ai participé à quelques essais, via des forums comme cfsl.net, j’ai eu très vite des retours positifs et les collaborations se sont enchaînées.
J’aime l’idée du travail en équipe dans la bande dessinée, où les compétences se complètent. Être auteur de bande dessinée c’est choisir un métier solitaire donc en travaillant à plusieurs sur un album on y échappe un peu, c’est plus facile. On a plus de recul et il y a plus d’émulation, c’est très motivant ! Certains dessinateurs étant plus à l’aise au trait ne se sentent pas de faire les couleurs, d’autres, après avoir passé du temps sur le dessin préfèrent avoir le regard extérieur d’un coloriste pour finir les planches. C’est là que j’interviens !
La question qui fâche !!! Le coloriste est-il un dessinateur maudit ?
Je ne le vois pas comme ça, c’est un métier à part entière distinct du dessin et du scénario. C’est une spécialisation avec une approche artistique différente, elle est en pleine essor avec l’évolution des outils numériques. Pour ma part j’en suis venu à faire de la couleur par opportunité et parce que ça me plaît, même si je m’intéresse également au dessin et à l’illustration ce sont des spécialités à part entière.
Vous avez déjà de belles collaborations à votre actif ; Donsimoni, Bessadi, Créty pour ne citer qu'eux. Comment se font les rencontres ?
Avec la mise en couleurs de 7 naufragés, le premier album sur lequel j’ai travaillé, j’ai eu la chance de rencontrer le directeur de collection David Chauvel. Il m’a offert beaucoup d’opportunités et j’ai pu collaborer avec Bruno Bessadi et Stéphane Créty sur leurs super-séries respectives, Bad Ass et Masqué. Mais c’est aussi grâce à lui que j’ai rencontré Yann Valeani et pu participer à cette fantastique histoire qu’est Rock & Stone. Avec Régis Donsimoni c’est le hasard qui a bien fait les choses, je lui avait dessiné un fan-art d’Angus à l’époque où il cherchait un nouveau coloriste, il m’a ensuite proposé la collaboration. J’ai la chance de travailler avec des dessinateurs et scénaristes très ouverts qui m’intègrent entièrement dans l’équipe créative, ils me donnent beaucoup de libertés et les pages se peaufinent au fil des échanges.
Quels sont vos univers ?
J’aime être confronté à des univers complètement différents et varier les plaisirs, mais certains thèmes me parlent plus particulièrement. Je me suis plongé dans les univers super-héroïques avec Badass et masqué, J’ai relu pas mal de comics et j’en ai découvert également, ça m’a passionné. J’ai aussi un faible pour la science-fiction qui souvent est parfaite pour refléter notre présent. Pour le coup j’ai la chance de travailler sur Rock & Stone qui réunit tout ce que j’aime avec un mélange entre une quête initiatique et un road movie, le tout au milieu de robots et méchas... J’aime aussi m’inspirer des dessins animés qui m’ont marqué pendant mon enfance et après... que ce soit les films de Hayao Miyazaki, Mamoru Osada, les nombreuses collaborations franco-japonaises, les séries de super-héros américaines, les univers Pixar et j’en oublie...
Je suppose que les échanges techniques se font pour l'essentiel avec les dessinateurs. Quelles sont vos relations avec les scénaristes ?
Tout dépend des projets, les échanges se font au sein de l’équipe créative, chacun apporte son point de vue. En général, avec le scénariste on se met d’accord en amont sur l’atmosphère, l’heure de la journée, la météo, j’essaie ensuite de faire ressortir au mieux l’intention narrative et l’ambiance qui se prête au scénario.
Parlez-nous de votre façon de faire votre métier. Quels sont vos outils ? Comment travaillez-vous ?
Je travaille principalement avec des outils numériques et à l’aide d’une tablette graphique. Cela me permet d’être rapide et d’explorer plusieurs styles, plusieurs possibilités. J’aime trouver le style de couleur qui peut s’associer le mieux au trait du dessinateur, épuré ou détaillé, arrondi ou anguleux... En général, je lis le scénario en amont, je réfléchis sur la totalité de l’album pour définir les ambiances et les progressions de couleurs. J’essaie au mieux d’apporter une mise en couleur narrative qui permet de fluidifier la lecture et de mettre en évidence les éléments importants. Les ambiances sont réalisées à l’aide de références photos ou en m’inspirant de peintures, de films... Mes mises en couleurs sont alors discutées entre le dessinateur, le scénariste, le directeur de collection et moi- même.
N'avez vous pas envie de montrer d'autres facettes de votre métier ? Ferez-vous cela toute votre vie ou est-ce un palier pour autre chose ?
Si bien sûr, j’aime toucher à tout ! Pour l’instant la qualité des projets sur lesquels je travaille et les très bonnes rencontres que je fais font que je continue dans la lancée. Mais dans un futur proche j’aimerai diversifier un peu mon activité, faire plus d’illustrations et pourquoi pas toucher au dessin ou au scénario dans le cadre d’un projet BD... Tout en gardant un pied dans les pots de peinture numériques car j’y prends quand même beaucoup de plaisir !
Y-a-t-il dans votre métier des références ? Des maîtres ?
Je n’ai pas de préférence particulière et je ne les connais pas tous mais certains noms résonnent plus que d’autres, sur le marché des comics américains j’aime beaucoup ce que font Laura martin et Dave Stewart. En Franco-belge, j’aime bien les couleurs de Bengal, Marcial Toledano sur Ken Games, Lou sur Le Labyrinthe entre autres. En Asie je pense à Benjamin avec ses couleurs surprenantes et contrastées...
Et j’en oublie plein... Si j’élargis et que je sors un peu du domaine de la couleur, je pense directement à Miyazaki et Moebius.
Quels sont vos projets futurs ? Vous verra-t-on enfin au dessin ?
Je suis actuellement sur le tome 3 de Bad Ass, le tome 2 de Rock & Stone et le tome 5 d’Angus qui va conclure la série. Je participe aussi à la série « 7 merveilles » dirigée par David Chauvel et scénarisée par Luca Blengino, je mets en couleurs un album dessiné par Antonio Sarchione. J’envisage aussi de dessiner un peu plus cette année, rien de concret pour l’instant, je préfère prendre mon temps et avoir un scénario qui me convient.
Merci Gaétan pour toutes vos réponses. A bientôt avec Oncle Fumetti.