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6 février 2021 6 06 /02 /février /2021 07:55

Bonjour Amaury. On ne vous connait pas assez. Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours en quelques mots ?

Bonjour, je suis un lyonnais de 48 ans, biologiste de formation et de pratique (20 ans), mais passionné de dessin et autodidacte, qui a décidé de tenter sa chance il y a une dizaine d’années. La crise de la quarantaine, quoi. C’est assez classique. Le jeu vidéo n’a pas voulu de moi, mais quand j’ai finalement opté pour la BD, ça a été assez rapide.

 

• Au-delà de vos compétences techniques, pourquoi ce support pour vous exprimer ? Pourquoi la BD ?

La BD, c’est un fantasme de gosse, un truc autour duquel je tourne depuis tout petit, mais avec des résultats catastrophiques chaque fois que je m’y suis essayé. J’étais ado, je n’avais aucune aide, aucun contact dans le milieu, et à l’époque, pas de tutos Youtube. C’est le numérique qui m’a débloqué. Après 20 ans de pratique numérique en amateur, dans l’association Arkham par exemple, mon dessin était devenu potable, et la souplesse de l’outil m’a permis de faire des essais de composition, de découpage, jusqu’à ce que je me dise : « Mais j’y arrive, je suis capable ! Je peux raconter quelque chose ! ».

 

• Parlez-nous de «Ion Mud ». Expliquez-nous la genèse de cet album. Pourquoi ce contexte ? Pourquoi cette histoire, ce personnage ?

L’histoire d’ION MUD s’est construite au fil des années, dans un coin de ma tête. C’est le croisement d’influences diverses, dont le fameux manga Blame! , qui longtemps m’a hanté, et la volonté de raconter une histoire de SF intéressante, à l’ancienne. Faire du personnage principal un vieil homme était à la fois un pied-de-nez à certains codes, et une évidence : cela donne une autre dimension à son entêtement, à son amertume. Et une profondeur qu’on n’aurait peut-être pas ressentie chez un personnage plus jeune. Mais l’histoire a été modifiée 3 fois, sous les remarques bienveillantes et argumentées de mon contact chez Casterman. La quatrième est nettement la meilleure.

 

• Comment travaillez-vous ? Est-ce que vous vous isolez en mode ermite ou vous laissez vous envahir par votre contexte habituel, votre environnement, par les médias, la société humaine en général.

Plutôt en mode ermite, de 8h à 18h, avec de la musique. C’est un processus solitaire, j’ai besoin de concentration. Quant aux médias, à la société humaine, je n’étais déjà pas très en phase, mais depuis le COVID, je préfère rester loin, très loin. On assiste à une démission de l’intelligence qui fait froid dans le dos. La moitié de la population refuse de simplement réfléchir par elle-même, par peur, lâcheté, intérêt ou besoin d’adhésion au groupe… C’est flippant. De l’ingénierie sociale de haute volée. Et il n’y a même plus de dialogue possible. A ce niveau, il faudrait presque une sécession entre les deux courants de la population. J’ai déjà fait sécession, à ma petite échelle. Mort aux cons :D.

 

• Est-ce qu’un tel livre dont l’action se déroule dans un tel contexte, dans un univers très éloigné du nôtre nécessite un gros travail de recherche, ou puisez-vous vos idées en général ?

Non, pas tellement. J’ai passé tellement de temps à imaginer des mondes, des personnages et des histoires, pendant les cours quand j’étais ado, ou plus tard pendant les réunions au boulot, que ça vient tout seul. C’est dans ce fond que je vais chercher mes idées. Après, quelques recherches sur internet sont parfois nécessaires pour étoffer un point particulier, trouver un détail amusant, enrichir un contexte. Et bien sûr je suis un gros consommateur de mondes imaginaires, BD, romans, films…

Je pense que ça se travaille, comme tout. J’avais lu tout Jules Vernes à 15 ans. En termes de stimulation de l’imaginaire, je crois qu’on ne fait pas mieux !

 

• Etes-vous plutôt mine de plomb, Photoshop ou est-ce un « mix » des deux qui contribuent à vos créations ?

Cet album est complètement numérique, pour les raisons citées précédemment. Mais sur le prochain je bascule en manuel : encre de chine sur Canson. C’est un défi, c’est encore assez dur. Pas de CTL+ALT+Z quand le trait de plume est foireux… Mais dans l’avenir, je pense utiliser les deux en alternance, en fonction du projet. En mix, aussi, pourquoi pas ?

 

• Quels sont vos modèles dans la BD ? Qui sont vos inspirateurs ? On parle d’influence de mangas, de Moebius. Qu’en est-il ?

Mes influences suivent mon parcours de lecteur de BD : franco-belge jusqu’aux années 90 (Bilal, Moebius, Rosinski, Hermann), puis de grosses claques US (Mignola, Miller, Charest, Cho), en même temps que du manga (Ottomo, Shirow, Nihei). Ce sont ceux qui me viennent tout de suite à l’esprit, mais une liste exhaustive ferait 3 pages ! Il y a du très bon partout. J’en découvre tous les jours, et je m’en veux à chaque fois d’être passé à côté… Toppi, De La Fuente, David Petersen, avec ses légendes de la garde…

Ce qui m’attire le plus c’est un dessin réaliste, en noir et blanc, avec un gros travail sur les ombres, les textures, les hachures… Du coup c’est ce trait que j’essaie de reproduire, modestement. Je suis loin d’avoir trouvé mon style, mais c’est un processus lent et douloureux, et je ne suis pas inquiet. Je progresse tous les jours.

Je peux aussi être happé et fasciné par quelque chose de complètement différent (le mercenaire, de Segrelles, au hasard), mais si j’en apprécie la lecture, je vais vers un dessin complètement différent.

 

• Si vous aviez une BD à reprendre en mode «reboot » laquelle serait-ce ? Et pourquoi ?

Aucune. Le reboot est à mes yeux une aberration, en BD comme au cinéma. Pour moi c’est un non-respect du travail original. Pourquoi le reprendre ? Parce qu’il ne correspond plus à l’époque ? Il faut réécrire Michel Strogoff en langage texto, du coup ? Non, c’est aussi et surtout de la fainéantise intellectuelle. Cela évite de prendre des risques. De mon point de vue, si on n’est pas capable d’inventer quelque chose, et donc de prendre des risques, il ne faut pas faire un métier créatif. Et je ne crois pas du tout que cela corresponde à une demande du public. Vraiment pas.

 

• Sur quels projets travaillez-vous ? Où allez-vous nous emmener ?

Mon prochain album n’est pas encore signé, mais c’est de la fantasy à ma sauce, avec des peuples et des créatures de mon invention. C’est un conte sombre, avec de la magie et une fin où tout le monde est perdant.

Et puis j’ai deux autres idées en gestation, plutôt bien avancées : j’ai la trame principale et je sais où je vais, cela demande juste du développement. Une de ces histoires est bien barrée, avec un personnage détestable que je suis impatient de dessiner. J’espère que le public suivra. J’essaie d’être authentique et honnête, et d’écrire les histoires folles que j’aimerais lire. On verra bien si la démarche porte ses fruits ! 

 

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