Qui êtes-vous Nathalie Ferlut ?
A priori, un auteur de BD. Parfois une dessinatrice, parfois une scénariste, pas toujours au même moment. Je fais des livres, et au fond, c'est ce que je pensais faire, déjà quand j'étais petite. Pour ma famille, je suis quelqu'un qui achète, empile et lit beaucoup de livres. Pour mes chats, je suis un humain qui a la bonne idée de travailler à la maison, donc pas loin du bol de croquettes. Pour mon banquier, je suis une déception, je pense.
Comment êtes-vous venue à ce mode d’expression ? Pourquoi la BD ?
Après mon bac, je suis partie en fac étudier -entre autres- l'histoire de l'Art mais je m'ennuyais assez : j'avais envie d'écrire des histoires qui m'appartiennent. Et bizarrement, alors que je n'étais pas une super dessinatrice, j'ai plutôt pensé à la bande dessinée plutôt qu'à la voie journaliste ou études purement littéraires. C'était à la fois un hasard (j'ai vu une affiche de promotion de l'école d'Angoulême dans les couloirs de la fac) et un genre d'évidence : je lisais de la bande dessinée depuis toujours mais je n'avais jamais imaginé que ça puisse être un métier. Bien des années plus tard, c'est devenue une vocation : comme un mariage sur un coup de tête qui devient une vraie histoire d'amour avec le temps...
Vous définiriez vous comme une scénariste ou une dessinatrice ? Que préférez-vous ?
Ça dépend : il m'arrive de dessiner les histoires d'autrui, et de scénariser pour d'autres personnes. Dans ces cas-là, j'essaie d'être l'un ou l'autre en évitant au maximum les interférences (ne pas trop intervenir sur le dessin du dessinateur ou être critique sur le scénario écrit par une autre personne). Lorsque que je travaille entièrement sur un projet, j'imagine que je suis plus portée sur l'écriture que sur le dessin.
Parlez-nous de vos œuvres ? Qu’est ce qui les relie entre elles ?
Peut-être mon besoin d'écrire, beaucoup. Mes projets sont toujours très hybrides : ils comportent beaucoup de texte, dialogué ou narratif. Mon inspiration est plutôt à chercher du côté du théâtre ou du conte. Et puis, il y a toujours un personnage, au centre qui est l'unique sujet de tout le projet : lui, ses doutes, sa façon de parler, de bouger : pour moi, c'est la voix de mes personnages. Au fond, ce qui leur arrive est un peu accessoire pour moi : ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus.
Vous avez travaillé avec Delcourt, Carabas puis Casterman. Des choix ou le hasard des rencontres ?
Un peu tout ça. Ainsi que ce simple fait : un projet d'album, c'est un rêve et aussi un gagne-pain. Il faut donc trouver un éditeur qui engage des avances sur droits décents pour l'auteur, et un avenir pour le livre. Parfois on doit prospecter un peu partout pour aligner tous ces astres-là.
Parlez-nous de votre dernier travail. Pourquoi ce sujet ? Pourquoi Andersen.
C'est un amour de jeunesse, Andersen, pour moi, que j'ai retrouvé avec joie, à l'âge adulte, sans qu'il aie perdu sa pertinence ou son humour. C'est donc un projet que j'avais en tête depuis une dizaine d'années mais ça a été très long de savoir comment raconter le bonhomme, qu'en dire qui puisse toucher des lecteurs, quel format, quelle voix pour le laisser parler, quand même : Andersen, c'est surtout quelqu'un qui écrit magnifiquement bien. Il fallait donc évoquer son style littéraire, sans le plagier...
C’est très fouillé. Comment travaille-t-on à définir la personnalité d’un tel personnage ?
En lisant plein de livres, de biographies. Et puis en les laissant de côté, et en reprenant les contes. C'est un genre d'enquête assez long, qui demande des périodes de maturations, de doutes… Il faut laisser se décanter les mots et les impressions.
Lorsqu'on connaît Andersen, on voit clairement se dessiner son autobiographie, ses inquiétudes, ss emportements et ses passions dans son œuvre. On l'entend très bien se raconter...
Combien de temps avez-vous travaillé dessus entre les recherches, les dessins. C’est un long processus non ?
J'ai du mal à passer moins de deux années sur un projet. C'est plus le scénario, le concept et puis le découpage et les dialogues, qui me prennent beaucoup de temps. Le dessin, lui, est une étape plus rapide. Quant-à la couleur, ça dépend puisque je ne la fais pas forcément toute seule (là, j'ai été aidée par Thierry Leprévost, qui a d'ailleurs mis en couleur tous mes premiers albums)
Etes-vous plus Photoshop ou mine de plomb ?
Les deux sont complémentaires, pour moi. Pas la mine de plomb, d'ailleurs, mais du lavis, dans mon cas, des encres, diverses avec lesquelles je fais mes cases, avant de les scanner et de monter les planches sur Photoshop.
Quels sont vos projets en cours ou les futurs ?
Il y a un projet en cours de finition, sur Artemisia Gentilleschi, aux éditions Delcourt, qui est dessiné par Tamia Baudouin. Et d'autres choses dont je ne peux pas vraiment parler encore : un album où je ne ferais que le dessin, par exemple...