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3 novembre 2015 2 03 /11 /novembre /2015 07:55
Sous le tamarinier de Betioky... Interview de Geneviève Marot.

Le mois dernier est sorti le livre de Geneviève Marot « Sous le tamarinier de Bétioky » chez La Boîte à Bulles. Oncle Fumetti a voulu en savoir plus. L'auteure répond à ses questions.

Bonjour Geneviève Marot. Comme tout le monde ne vous connait pas et si vous vous présentiez à nous ? Qui êtes vous ? Comment en vient-on à dessiner pour gagner sa vie ?
Il paraît qu’à la maternelle, j’ai été la première de ma classe à dessiner un bonhomme. Ça m’a encouragée pour la suite : j’ai plus jamais arrêté de dessiner des bonhommes ! C’était plus facile pour moi que les maths. Le dessin, la peinture, pour gagner sa vie, c’est très aléatoire...Il s’agirait plutôt de gagner une place dans la vie. Avoir une petite place dans le monde. C’est simplement ma manière d’exister.

Comment vous définissez vous ? Etes vous dessinatrice ? Illustratrice ? Carnettiste ? Ou tout cela à la fois ?
Je suis gribouilleuse multiple, dans des carnets, sur des bouts de carton cradoc ou de belles feuilles volantes de tout poil, qu’importe. Quel que soit mon travail, qu’il soit de commande ou qu’il naisse d’une création spontanée et personnelle, il y a des liens interactifs, ils découlent tous de nombreuses années de travail et se nourrissent les uns des autres. Même si bien évidemment, ils n’ont pas tous le même poids d’un point de vue de mon implication artistique et affective.

Pourquoi les carnets ? Pourquoi est-ce votre mode d'expression principal ? Et pourquoi ?
C’est joli, un carnet, c’est intime, secret, ça se glisse dans la poche ou dans le sac à dos, ça permet de noter (écrits et dessins) des tas de choses pour ne pas oublier, pour témoigner, pour capter, dénoncer, rigoler, se décharger des pensées les plus inavouables, construire une réflexion...C’est une manière d’être présent au monde tout en étant dans sa bulle.
Sous forme de carnet ou pas, le croquis sur le vif est un incroyable vecteur de rencontres, où que l’on se trouve dans le monde. Je suis toujours fascinée par la magie qui s’opère autour d’un trait de crayon, d’une touche d’aquarelle. Dessiner, c’est ma façon d’honorer la vie, de ne pas laisser mon âme glisser vers l’indifférence, de renouveler mon regard sur le monde.

Quand on va sur votre site on y découvre un univers très vaste. Cela va du travail de commande aux carnets de voyage ou aux livres pour enfants et bien d'autres choses. Tout est-il compatible ? Eprouvez vous le même plaisir à tout faire ?
Tout ce que je fais, que ce soit une illustration, un logo, une mise en page, un faire part de naissance illustré, un portrait, un reportage dessiné, a de l’importance pour moi et engage mon savoir-faire que je dois prouver encore et encore. Je ne suis jamais sûre de moi, je doute continuellement. Je ne cherche pas la compatibilité entre mes différents univers. Juste de donner le maximum dans chaque chose que je fais. Mais non, le plaisir n’est pas toujours le même...

Sous le tamarinier de Betioky... Interview de Geneviève Marot.

Parlez nous de votre dernier livre...Ou plutôt carnet.Tenez-vous à ce mot d'ailleurs ? Et pourquoi ne pas en avoir fait une BD ?préférez vous la liberté du carnet en regard des cases et des planches plus strictes ?
Ben si, c’est une BD! C’est vrai, j’ai fait sauter les cases. C’est un parti pris de respiration, sûrement une liberté née du carnet-croquis sur le vif. Mais il y a une narration, des bulles, un début, une fin. Ce livre est le fruit d’une dizaine de voyages à Madagascar. C’est du vécu. Le passé de Jean Piso enfant se mêle au présent afin de faire comprendre ce qu’il est devenu. Je me mets en scène pour ancrer mon récit dans la réalité et pour faire comprendre aussi que ce que je raconte est vu à travers le prisme de mon regard.

Alors... « Sous le tamarinier de Betioky » ...De quoi s'agit-il ? Qui est ce Jean Piso ? Dites nous tout...
Mes pas m’ont menée ces six dernières années à plusieurs reprises à Madagascar, pays qui nourrit ma création depuis. Jean Piso est un accordéoniste très connu à Madagascar. Il a plus de 50 ans de carrière musicale derrière lui. Je l’ai rencontré en faisant un reportage dessiné sur lui et d’autres musiciens malgaches pour la production de l’orchestre dont il faisait alors partie. De fil en aiguille, il est devenu mon guide lors de mes différentes missions, garant de ma tranquillité dans ce pays à l’insécurité grandissante. Une belle amitié s’est forgée avec le temps.
Je me demandais sous quelle forme restituer mon travail, mes émotions, mon vécu là bas, les rencontres. Jean Piso m’a livré petit à petit des anecdotes de son enfance, notées en quelques lignes dans mes carnets. J’aimais beaucoup ces histoires que je pensais insérer dans une BD plus générale sur ma découverte du pays. Finalement, parler de Madagascar au travers des yeux d’un petit garçon, (et pas n’importe lequel! ) était une façon idéale de parler de Madagascar, en plongeant le lecteur dans l’intimité de la culture malgache.

Combien de temps vous a pris cette création ? Quel était votre rythme de travail ? Avec quels outils et avec quels techniques avez vous travaillé ?
J’ai commencé à noter des anecdotes dès mon premier voyage en 2010. Les 25 premières planches ont été exposées à l’Alliance Française d’Antananarivo en 2013 dans le cadre du festival de BD Gasy Bulles. Mais tout a réellement démarré dès lors que j’ai signé chez la Boite à Bulles en novembre 2014. A partir de là, je me suis mise au boulot tous les jours dès 5 ou 6 heures du matin, j’ai érigé des remparts autour de mon atelier, recluse dans un isolement digne d’un moine copiste, alternant des périodes de doutes abyssaux et de joyeuses exaltations! Finalement, j’ai lâché la pierre et le burin pour le crayon, l’aquarelle et la bonne vieille plume plongée dans l’encre sépia. C’était plus rapide.

En quoi cette œuvre est-elle différente des autres ?
D’abord, c’est ma première BD, c’est forcément différent !
J’ai un peu l’impression d’être une intruse dans un territoire interdit, ce qui est très excitant. (La bd, c’était le domaine de mon grand frère: pas touche!). Mais surtout, ça m’a fait accéder à un monde merveilleux ou l’expression artistique s’ouvre sur de vastes territoires d’expression très libres et très complets. En fait, on retrouve cette sensation de liberté dans le carnet. C’est un outil extrêmement vivant pour parler des gens, de lieux, d’époques...
Et puis moi, ce que je voulais, c’est que mon histoire soit lue par mes amis malgaches, qui, parce que le livre est un produit de luxe dans un pays où la population vit avec moins de 2$ par jour, n’ont pas développé de grande capacité de lecture. Je crois que la BD parle à un plus grand nombre qu’un “beau” livre avec de longs textes.

Vous êtes une des fondatrices et une des membres des Carnettistes Tribulants. Qui sont ces carnettistes et quelles sont leurs actions ?
Nous sommes un groupe d’une douzaine d’artistes d’horizons divers. Nous explorons goulûment des sujets qui vont de la banlieue parisienne (“Banlieue Nomade”), au carnet intime sur notre aimé(e) (“Ce que j’aime en toi”), en passant par des portraits dessinés et écrits de personnes âgées qui ont beaucoup à nous apprendre (“Vivre Vieux!”), les femmes agricultrices en France (“Paysannes”), et l’immigration racontée à travers un focus sur des objets ayant appartenus à des immigrés (“Bringuebalés”). Nous avons vécu deux fabuleuses expériences en Chine (“Grattes ciel et Soupe de Nouilles”), et actuellement, nous initions un travail axé sur le Grand Paris.

Quels sont vos projets ? Vers quoi vous dirigez vous ?
Une autre BD qui parlera encore de Madagascar, car j’ai beaucoup de choses à raconter. Mais d’abord, je veux porter “Sous le tamarinier de Betioky”, qui sera présenté par l’Institut français et l’Alliance française à Madagascar en mars 2016, suivi d’une tournée de Tana à Tulear (1000km) avec un concert dessiné et une expo itinérante, des ateliers et le lancement d’un concours pour révéler des talents malgaches.

Voilà un futur très actif. Merci pour vos réponses et ces anecdotes intéressantes. A bientôt.

Sous le tamarinier de Betioky... Interview de Geneviève Marot.
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