Flore Balthazar a publié le mois dernier Frida Kahlo avec Jean Luc Cornette chez Delcourt. La voici chez Oncle Fumetti qui a voulu en savoir plus...
Bonjour Flore Balthazar. On vous connait assez peu ou pas assez en tout cas. Présentez-vous. Qui êtes-vous ? D’où venez-vous et pourquoi la Bande Dessinée ?
Ce n’est pas très grave si on ne me connaît pas : ce qui est assez pratique, en bandes dessinées, c’est d’envoyer ses petits bonshommes faire le boulot pendant qu’on reste derrière sa table à dessin. Je suis Belge, donc née au milieu d’un carrefour : à moitié flamande, un bout française et sans doute pas mal de wallon, étant donnée que je suis née à La Louvière. En toute logique, j’oublie souvent quelle langue parler, et à qui, du coup ça m’arrive de parler espagnol à un Flamand, wallon à un Français, et plus généralement en langage « chat ».
La bande dessinée était une évidence, grâce à la Belgique, à Tintin (comme beaucoup,j’ai appris à lire dans le Lotus Bleu), la proximité de La Louvière avec Marcinelle a fait le reste concernant Spirou. Enfin, à l’époque, surtout la librairie en face de l’école.
Vous êtes à la fois dessinatrice et scénariste. Qu’est-ce qui vous fait choisir de réaliser seule un album ou parfois de collaborer pour le dessin et la colorisation ?
Tout dépend du projet, de sa taille, c’est une question de distance; avec le sujet, par exemple. A l’inverse de Jean-Luc Cornette, j’ai une formation plutôt très littéraire. Je me sens donc plus proche du dessin, pour lequel je n’ai pas les ombres de Dostoïevski ou Victor Hugo qui surveillent ce que j’écris. Le dessin est un bon catalyseur de l’écriture.
Vous êtes un auteur « Dupuis » grâce à Miss Annie ou La Grande Vague…Vous voici chez Delcourt avec ce beau sujet. Vous quittez le Groupe Média Participations pour laconcurrence. Pourquoi ?
Tous les sujets n’intéressent pas tous les éditeurs… Pas toujours et tout le temps, en tout cas :-)
Celui-ci n’a pas trouvé sa place chez Dupuis, mais a intéressé immédiatement Elisabeth Haroche, chez Delcourt. La collection Mirages était d’ailleurs parfaite pour accueillir « Frida ».
Parlez-nous de ce projet « Frida Kahlo ». Comment y êtes- vous venue et connaissiez- vous ce peintre ?
Oui et non. J’avais lu sa correspondance (Frida Kahlo par Frida Kahlo chez Points), mais en ne connaissant que superficiellement son œuvre. Pour Jean-Luc, c’était l’inverse : il avait vu plusieurs expositions. Nous avons vu ou revu le film et le sujet a fini par s’imposer.
Comment passe-t-on de Miss Annie à Frida Kahlo ?
Après avoir dessiné des chats pendant plusieurs années, j’avais envie de retourner vers les humains. Le hasard, le destin ou les coïncidences ont fini par faire le reste du travail.
Comment s’est passée la collaboration avec Jean Luc Cornette ?
Ça a été assez simple, en fait. Il a écrit l’histoire, j’ai fait les dessins. On a râlé un peu ici et là, et puis on s’est mis d’accord. On est spécialistes pour râler, mais, en tout cas pour ma part, environ une heure après, je me dis« ah oui, pourquoi pas ? ». Et alors, j’essaie de voir ce qui marche le mieux.
Frida Kahlo a eu une vie riche. Pourquoi travaillez sur ces quatre années de sa vie précisément et sur sa rencontre avec Léon Trotski ?
En fait, le problème qui se posait avec Frida était qu’il y avait plutôt « trop » que pas assez. Beaucoup de choses avaient été faites, aussi, qui racontaient essentiellement son parcours, son accident, ses opérations. Il a fallu trier. Trotski a un peu servi de « marque-page » : entre son arrivée à Mexico, accueilli par le couple Rivera-Kahlo et son départ inopiné (mais largement prévisible) suite à un coup de piolet, Frida en a profité pour devenir peintre.
Il est significatif, je pense, qu’elle passe de Mme Rivera à Mme Kahlo entre la planche 14 et la planche 119.
Est-ce particulier de travailler sur une BD mettant en scène une artiste-peintre ? N’est pas l’occasion de se comparer à l’artiste dans son travail ?
Nous avons plusieurs point communs : être une femme, qui fait un métier visuel, dans un monde masculin. Il y a de plus en plus de femmes dans la bd, mais ça reste quand même majoritairement un sport d'hommes. Ça permet de s’identifier assez pour, je l’espère, incarner le personnage avec justesse.
Mais les différences sont nombreuses également, suffisamment pour garder la distance nécessaire. J’ai eu une vie beaucoup facile qu’elle ! Et puis, surtout, comparer son œuvre à la mienne serait pour le moins prétentieux.
Comment travaillez-vous ? Avec quels outils ? Crayons, lavis, Photoshop ? A quel rythme ?
Je travaille très simplement : crayonné, encrage (à la table lumineuse). Ensuite, je scanne et corrige.
Quels sont vos collègues favoris, ceux que vous admirez ou qui sont vos modèles, scénaristes ou dessinateurs.
Je dois avouer que tous m’épatent beaucoup. Je ne sais pas comment ils.elles font.
Pour le moment, j’admire beaucoup le parcours de Léonie Bischoff, nous partageons le même atelier et j’ai la chance de le voir de près. C’est assez rassurant de voir que, comme dit le capitaine Haddock, c’est toujours à la fois très simple et très compliqué. On extériorise juste différemment. Son album « Hoodoo darlin’ » est magnifique, par exemple.
J’aime beaucoup également ce que font Bianco, Nob, Emmanuel Lepage…
Quels sont vos projets futurs ?
Pour mon prochain album, je retourne au bercail, chez Dupuis. Il s’agira de raconter la vie d’une famille « ordinaire », en Belgique, pendant la guerre. Je voudrais comprendre comment les gens normaux font pour trouver à manger, continuer à survivre, voire à vivre, tout simplement, pendant que le monde autour est rempli de bruit et de fureur. Essayer aussi de faire quelque chose d’universel à partir du local, du quotidien… Bref, tout un programme ! A priori, ça s’appelera « Les Louves ».
Merci beaucoup Flore Blathazar et à bientôt.