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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 07:00
Arsène  Lupin les origines chez Rue de Sèvres... Interview de Benoît Abtey.

Benoît Abtey vient de scénariser Arsène Lupin - les origines, publié chez Rue de Sèvres. Comme d'habitude, Le Vieux Fumetti veut comprendre le « pourquoi du comment »....

Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, présentez-vous Benoît Abtey. Qui êtes-vous ? Pourquoi ce métier d’écrivain et scénariste ?

Je suis un autodidacte, un diplômé de l’école buissonnière. Je suis d’abord entré à la Sorbonne, en lettres modernes, puis à quelques pas de là, à l’ENSAD, l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Je suis resté six mois à la Sorbonne, deux ans à l’ENSAD. Je suis réfractaire à l’enseignement contemporain. A la Sorbonne, j’ai fui les cercles d’étudiants prétentieux, adorateurs de Sartre et de Kundera. Je ne m’y retrouvais pas. Je m’y ennuyais. C’est très snob, la Sorbonne, vous savez… Du moins, ça l’était.

J’ai été déçu, également, aux Arts Déco. J’étais très impatient. Je voulais recevoir des leçons à l’ancienne, façon vieille école, dans la tradition. Ce n’était pas la bonne adresse. Bref, j’ai pris un chemin de traverse et j’ai décampé à travers bois.

La suite est un enchaînement de péripéties…Vivre d’abord et philosopher ensuite, dit l’adage. Je l’ai suivi à la lettre.

Fabriquer des récits, c’est pour moi le moyen de faire partager ma vision du monde et des hommes. Sans discours, sans sermon, avec une certaine distance. J’ai une passion pour l’Histoire, pour notre passé. Tout y est. Le profane et le sacré, le sublime et l’horrible. C’est notre héritage, la source intarissable. J’y puise mon inspiration et ma force.

Vous semblez aimer reprendre les personnages de la littérature français...On connait déjà Arsène Lupin. Il y a eu aussi les 3 Mousquetaires et donc d’Artagnan. Pourquoi ? Est-ce par facilité ?

Petite mise au point : la série que je suis en train d’achever chez Flammarion s’intitule Les Secrets de d’Artagnan. Les trois mousquetaires en sont absents. Quant à la facilité, elle se trouve partout. Tout est une question d’exigence personnelle. Quelle que soit le thème, le genre, concevoir une bonne histoire demande du sérieux, du travail. Il faut creuser son sujet jusqu’à trouver l’or… Qui n’est jamais à portée de main.

Et puis, quand on ranime de grands personnages, on doit se montrer à la hauteur, ne pas décevoir. Car il y a beaucoup d’attentes. C’est tout un art, je crois, d’être fidèle à l’esprit sans devenir académique. Garder la quintessence oblige à faire preuve d’invention. Il faut quitter les sentiers battus sans pour autant sortir du cadre. Il faut être dans le rôle en apportant sa griffe…

Du reste, il s’est trouvé que le hasard que l’on nommait jadis la Sainte Providence m’ont «imposés» ces figures mythiques du patrimoine : d’Artagnan et Lupin. Il serait un peu long de développer en détails le cheminement qui me conduisit jusqu’à eux. En vérité, et sans aucune modestie, je crois que ce sont eux qui m’ont choisi.

D’Artagnan et Lupin sont deux visages de la France. Ces héros représentent notre pays. Avec Astérix, nous n’avons pas d’autres figures qui portent mieux nos couleurs jusqu’au bout du monde. Ils incarnent des valeurs nationales : l’audace et la liberté, l’indépendance et la témérité. Ils ont encore dans leurs attitudes, leurs poses, une certaine grandiloquence, qui est du lyrisme en action. Ils sont un tantinet cabotins. Il y a du Molière en eux. Ils aiment soigner leur entrées et leur sorties comme si le monde était un théâtre qu’ils devaient éblouir par quelques morceaux de bravoure signés d’un mot d’esprit.

J’aime l’idée de ces héros positifs qui pratiquent l’ironie et demeurent élégants en toutes circonstances. Ils ont du style. Ils aiment en faire trop, ils affectionnent la bravade, le coup de pique, ils sont irrévérencieux, insolents et frondeurs. Je crois que ce sont ces caractéristiques qui les rendent si attachants, si populaires et qui fondent la marque de fabrique du génie tricolore : un mélange de profondeur et de légèreté, un dynamisme sanguin, un côté sabre au clair et en même temps désillusionné.

Arsène  Lupin les origines chez Rue de Sèvres... Interview de Benoît Abtey.

Est-ce différent de scénariser une BD que d’écrire un roman ?

Pour l’un comme pour l’autre, il faut être bon architecte. La bande dessinée impose un format, et donc une grande rigueur d’écriture. Il ne doit y avoir que du muscle. Il faut concentrer la narration et la tendre au maximum. Impossible d’écrire au courant de la plume, tout doit être réglé comme du papier à musique. C’est un exercice formidable. Tous les auteurs devraient s’y atteler.

Comment avez-vous rencontré l’équipe du livre ? Vous n’êtes pas leur seul scénariste, il y a aussi le dessinateur Christophe Gaultier et la coloriste ; présentez- nous vos camara-des en quelques mots..

Pierre Deschodt est un ami. Dans l’ensemble, nous aimons les mêmes auteurs. C’est un peu lui qui à l’origine de cette reprise, de cette œuvre en devenir. A tout dire, Lupin est le dieu de notre enfance. Notre collaboration littéraire est complète. En effet, nous travaillons également en duo à la rédaction d’une série intitulée les nouveaux exploits d’Arsène Lupin, à paraître aux éditions XO. Nous y retrouvons certains protagonistes de la bande dessinée, mais quelques années plus tard… Alors que la renommée du cambrioleur magnifique est devenue légendaire. Pierre et moi admirons tous deux le travail de Christophe Gaultier que nous avons découvert quand il nous fut présenté par notre éditrice Nadia Gibert. Sa patte apporte une originalité remarquable à l’univers de Lupin. Il est très à l’aise avec l’époque et le personnage. Il en fait ressortir sous un jour nouveau, tout l’éclat et la noirceur.

Marie Galopin est la compagne de Christophe. J’ai un faible pour ses couleurs. (Pierre de même). Elle sait créer des atmosphères très contrastées, très évocatrices, elle varie à loisir les lumières et les ambiances. Nous tenions à ce grand éventail de décors et de climats.

Comment collabore-t-on à la conception de planches de BD quand on ne
dessine pas ? Orientez-vous l’aspect artistique d’une manière ou d’une
autre ? Christophe Gaultier était-il libre de ses
choix ?

Petite précision : j’ai une formation de dessinateur. Mais je n’en tiens pas trop compte pour la conception de l’histoire ni même pour son développement page par page. Pierre et moi donnons peu d’indications à Christophe. Nous «voyons» les séquences et les construisons en fonction de la place qu’elles vont occuper dans la succession des images et selon les limites du format imposé. Dans l’ensemble, nous laissons Christophe maître de la mise en scène. Nous faisons confiance à son savoir-faire. Du reste, je crois qu’il n’aime pas – ce que je peux comprendre- être trop dirigé. Nous lui suggérons seulement quelques références auxquelles nous sommes attachés Pierre et moi, pour qu’il définisse au mieux les lieux et le physique des personnages.

Arsène  Lupin les origines chez Rue de Sèvres... Interview de Benoît Abtey.

Pourquoi ce support pour raconter une histoire ?

La Bande Dessinée est un média grand public. Pierre et moi espérons renouer avec une certaine veine populaire. En somme, j’ose le dire, nous avons pour ambition d’importer la tradition du livre au royaume des images. Or l’image est bien reine en notre siècle. Il faut aussi savoir faire avec. Et puis, il y a une part de déformation et de suggestion, propre à la bande dessinée, qui lui confère toute sa singularité. Bien souvent, on est obligé, au cinéma, à la télévision, de recourir à des artifices pour approcher cette personnalisation du réel. Les partis pris du dessinateur, la sensibilité de son trait, vont au contraire naturellement inventer un univers qui donnera tout son cachet à l’histoire.

Qu’est-ce qui a déterminé le choix d’Arsène Lupin ? Et pourquoi scénariser son adolescence ?

Lupin est un héros des temps modernes. Qui, aujourd’hui, n’aimerait pas apprendre l’existence d’un homme tel que lui ? D’un homme ennemi des puissances de l’argent, ces puissances qui étouffent le monde et asservissent les nations ? Il va redonner de l’espoir, il va rendre du courage, il va donner l’exemple, j’en suis convaincu. L’adolescence est le moment où s’élève la conscience d’un individu. Le parfum de son enfance l’accompagne toute sa vie, mais c’est à l’adolescence qu’il fait ses choix. C’est à cet instant qu’il devient le maître de son destin. Cela, je crois, fait un beau sujet… il restait à traiter. A tout dire, et pour parler franc, je ne suis pas un grand lecteur de bande dessinée. J’ai tendance à être souvent déçu par la pauvreté des scénarios. J’ai néanmoins des coups de cœur. L’œuvre d’Alain Ayrolles et de Bruno Maïorana est pour moi un sommet du genre.

Lisez-vous des Bandes Dessinées et lesquelles ?

J’ai beaucoup apprécié le diptyque Sylas Correy. En général, je n’aime pas ce penchant en Bande Dessinée pour la noirceur. Je trouve cela destructeur, vain et racoleur. Enfin, je suis pantois d’admiration devant le talent de Goscinny. Ces livres sont pour moi les évangiles de la bande dessinée.

Avez-vous des modèles dans votre art ? Comme qui aimeriez-vous écrire ?

Je reviens toujours aux mêmes. Quatre géants. Victor Hugo. Honoré de Balzac. Alexandre Dumas. Stendhal. J’aime énormément la verve d’Henri Jeanson, de Céline, de Michel Audiard, surtout celui des films «sérieux» : Le Président, les Maigret, etc… Je pourrais en citer bien d’autres : Marcel Aymé, Jean Anouilh, Bernanos, Proust, Druon…Pour répondre à la deuxième partie de votre question, c’est simple et très ambitieux. Il me faudra toute une vie pour y parvenir : je voudrais écrire comme nul autre.

Quels sont vos projets futurs ?

J’en ai plusieurs. Il y a notamment une série policière au temps de Napoléon III, qui s’intitulerait l’Empire du crime. Une saga qui se déroulerait pendant la révolution et qui se nommera Citoyen ! Je songe encore à un récit de cape et d’épées dont l’action centrale se déroulerait en Bretagne. Il n’est pas impossible qu’on y découvre une faune étrange, sous la poudre et les fards, des vampires, sans parler de ces féodaux sanguinaires capable de se changer en loups les soirs de pleine lune… Il y aura encore une série d’aviation durant la grande guerre, Pour l’amour du ciel… Enfin, prochainement aux éditions rue de Sèvres, vous découvrirez le premier tome d’une nouvelle aventure : Kamarades ! Voyez, les vacances ne sont pas pour demain…

Merci Benoît Abtey et longue vie à Arsène Lupin.

Arsène  Lupin les origines chez Rue de Sèvres... Interview de Benoît Abtey.
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