![Madame Livingstone chez Glénat : Interview de Barly Baruti.](https://image.over-blog.com/Y5Un_1_eLowEPI-oJxMTynrdj8A=/fit-in/300x300/filters:no_upscale()/image%2F0994890%2F20140703%2Fob_41115d_bbbbb-copy.jpg)
Hier est sorti « Madame Livingstone de Barly Baruti et Christophe Cassiau- Haurie (cf notre chronique d'hier) publié chez Glénat. Oncle Fumetti a souhaité en savoir plus en posant quelques questions au dessinateur Barly Baruti...
Bonjour Barly Baruti. On vous connait pas encore beaucoup. Présentez vous en quelques mots.
Barly Baruti, artiste (BD,Peinture & Musique) né à Kisangani au nord est au Congo Kinshasa. Avec Frank Giroud au scénario, j’ai commis « Eva K. », une série de 3 albums chez Soleil Productions et « Mandrill », 7 albums chez Glénat Éditeur. Bien plus tôt en Afrique, j’ai réalisé une vingtaine d’albums. Ah, aussi, j’ai eu la chance de passer quelques temps au Studio Hergé aux côtés de l’excellent Bob De Moor. Voilà.
Comment un zaïrois et d'ailleurs dit-on encore zaïrois...Vient à la Bande Dessinée ? Quel est votre parcours ?
Pour la parenthèse, « Zaïre » est une invention pure du Citoyen Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga pour marquer son époque, son règne… Rien à voir donc avec le « recours à l’authenticité » dont il a été si fier. Parenthèse fermée. Pour revenir à ma modeste personne, toute ma petite enfance a été marquée par la présence quasi permanente de BD autour de moi … à Kisangani. Des fumetti italiens tels que « Blek Le Roc », « Akim », « Zembla », « Mandrake », etc. (en passant par les revues « Tintin » et « Spirou » ! Hé oui !) faisaient partie de mon entourage immédiat. En plus j’ai baigné dans une famille d’artistes peintres (mon père est l’un des précurseurs de l’école de peinture dite de « Stanleyville » (ancienne appellation de Kisangani. De là à la BD, le pas à franchir est court.
Vous sortez chez Glénat « Madame Livingstone » avec Christophe Cassiau-Haurie le 2 juillet. Pourquoi ce livre ? Pourquoi ce sujet et ces personnages précisément.
Tu veux vraiment le savoir ? Alors, tiens-toi bien !! avant que le Maréchal Mobutu ne décide le recours à l’authenticité, j’avais comme nom « Alexis Livingstone » et mon père s’appelait… « Livingstone David ». Alors, je devins Baruti Kandolo Lilela dit Barly. Bien plus tard, je cherchais à savoir l’origine de ce nom que j’ai porté jadis, mais en vain. Je me mis alors à fureter partout et je suis tombé sur ces écrits de l’aventurier Stanley.
Stanley a écrit: “Enfin on racontait qu'il (David Livingstone) s'était remarié avec une princesse africaine.(…) A propos de son mariage avec une Africaine, je dirai simplement : ce n'est pas vrai. Je crois inutile d'ajouter autre chose; il est au-dessous d'un gentleman d'associer même l'idée d'un pareil acte au nom de David Livingstone.”
Et pourtant, toujours dans les écrits de ce même Stanley, il était relevé cet extrait de leur conversation:
Stanley : « A présent que cette petite affaire est traitée, si nous déjeunions, Docteur? Permettez-vous que mon cuisinier se charge du repas? ».
Dr Livingstone : « Certainement. Vous m'avez rendu l'appétit, et ma pauvre Halimah n'a jamais pu distinguer le thé du café. »
Extrait de: Livingstone David - Stanley rencontre Livingstone de Henry Morton Stanley (1841-1904) - Source : Library of Congress, Prints and Photographs Division, LC-USZ62-78736
C’est qui cette “Halimah” que le Docteur se plaisait à appeler affectueusement “ma pauvre Halimah”? Une cuisinière ou une femme de chambre? Ce paradoxe dans le chef d’un “gentleman”, ainsi que quelques autres incohérences du même genre, méritait une attention particulière de ma part. Une faille dans le rocher de l’Histoire, assez pour y glisser quelques fantaisies narratives. L’idée de la BD “Madame Livingstone” est née. Appollo en a tracé le récit et Christophe Cassiau-Haurie (CCH)a continué le scénario. Pourquoi avoir choisir ce moment pour traiter de cette histoire ? Le monde entier commémore le centenaire de la Grande Guerre de 2014 à 2018. Il me semble que l’effort des Colonies en hommes, en logistiques et en financement n’est pas assez mis en exergue. Par exemple, le 6 juin 2014 lors de la manifestation en grande pompe du souvenir du « Débarquement », aucun africain n’était convié. Et pourtant…
Comment s'est faite la collaboration avec votre scénariste ? Il est un spécialiste de l'Afrique et a vécu en RDC qu'est ce qui a amené cette collaboration ?
Comme je l’ai expliqué plus haut, Appollo en a tracé le récit et Christophe Cassiau-Haurie a continué le scénario. Appollo vient de l’île de la Réunion et CCH est un habitué de l’Afrique et un grand bibliothécaire. Tous les deux ont une passion commune pour l’histoire, l’Afrique et … la BD !
Comment avez-vous travaillé ce livre et ces planches ? L'éditeur parle de « couleurs directes ». Que veut-il dire ?
Je l’ai traité à la manière d’un roman graphique. J’ai fait énormément de crayonnés d’études des personnages, de décors, d’objets… Mais une fois les images au crayon sont placées sur la planche originale, je ne revenais plus dessus avec une gomme et je passais directement à la couleur. Des fois j’aboutissais mon dessin par l’encrage des contours, souvent pas !
Quel est votre rythme de travail et quels sont vos outils ? Etes vous plus mine de plomb ou logiciel ?
Rythme de travail ? Cool. J’adore les nuits blanches ! Mes outils : crayons mine « b » pour les crayonnés et « 2b » pour le définitif, quelques fois des stylets. J’aime travailler « en vrai » en coloriage. Le « photoshop » me sert souvent de retouches.
Etes-vous un dessinateur africain ou un dessinateur belge ? Comment vous situez vous ?
Je suis un dessinateur de BD.
Parlez nous de la place de la Bande Dessinée en Afrique. On sait que le sujet vous tient à cœur. Est-ce que cet art trouve sa place en Afrique ? N'est-ce pas l'occasion de montrer la richesse culturelle et artistique de tous ces pays et de ses habitants ?
En Afrique, nous avons traditionnellement l’oralité comme mode d’expression. Et face à l’autoroute des médias et la Grande Littérature, la BD se positionne comme un ersatz, mieux une passerelle entre les deux mondes. Elle est donc indispensable. Aujourd’hui bien d’auteurs africains explosent leurs talents, exposent et proposent leurs œuvres. On a beaucoup des choses à dire. Il était temps. Avec mon « crayon de pèlerin » je n’arrête pas de parcourir l’Afrique pour donner des stages par ci par là…
Quels sont les artistes qui vous ont influencé ? Est-ce qu'un belge doit forcément passer par la « ligne claire » ?
Jijé et Hermann sont mes références.
Quels sont vos projets futurs ?
Je crois que je vais d’abord reprendre mes vieux personnages semi-réalistes, ceux-là même qui m’ont fait connaître auprès du public BD en Afrique et dans l’Océan Indien à mes débuts: « Mohuta & Mapeka » (le villageois et le citadin). Après, l’aventure continue…